Annie
Oui, c'est long, trois semaines. Surtout quand la vie, l'amour et la mort s'y télescopent avec fracas, rivalisant d'intensité pour vous offrir un feu d'artifice émotionnel.
La pinède, c'était chez Annie. Avec qui j'aimais bien rigoler, manger du confit et boire du Côtes de Saint Mont. Dont j'aimais les théories fumeuses, qui avaient le mérite de proposer une alternative à mon rationalisme vacillant, et qu'elle avait souvent le bon goût de ruiner par une pirouette d'autodérision.
Annie aimait la bonne bouffe, l'amour, les gens et moi. Bien sûr que je fais partie des gens, mais j'ai besoin d'écrire qu'elle m'aimait, moi. Comme je l'aimais, elle. Après le coup de fil de son mari m'annonçant sa mort, après l'arrivée des larmes, c'est cette pensée qui tournait en boucle dans ma tête : je l'aimais beaucoup.
Elle a mangé son dernier foie gras, poêlé aux raisins par son frère, le samedi 7 juillet. Avec sa cousine Amalita, elle a commenté en espagnol de vieux albums de photos, pendant que le petit Diego m'apprenait à agarrar los saltamontes. Puis elle a eu très mal au ventre. Elle croyait avoir abusé du foie gras, c'était son crabe qui reprenait l'avantage.
Elle repose sous le sable de Maillères, sous une tonne de fleurs oranges et mauves et sous les discours vivants et dignes des ses trois enfants et de son mari. Je l'aimais beaucoup.